Proche-Orient : stop aux indignations sélectives

Les manifestations de soutien aux Palestiniens "oublient" les musulmans opprimés en Chine, en Inde ou en Birmanie. Ce qui interroge sur les véritables motivations et la sincérité de celles-ci.

" Où étaient les grandes voies du ''sud global" lorsque Damas faisait le siège du camp de Yarmouk en 2014 ? Lorsque la Russie bombardait délibérément des hôpitaux en Syrie ? Lorsque le Hamas réprimait dans le sang les manifestants contre sa férule ? (...) Quant à eux qui manifestent contre l'Occident au nom de l'Islam, que ne se révoltent-ils pas contre Pékin qui enferme les Ouïgours, Rangoon qui réprime les Rohingya ou Delhi lorsque les musulmans sont discriminés en Inde ? ".

L'auteur de ces lignes parle d'or. D'autant plus que leur tonalité est rarement exprimée et donc partagée sur les plateaux peuplés (trop souvent) de toutologues quand il s'agit d'évoquer la situation au Proche-Orient. Ces propos sont signés de Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, dans un point de vue publié à la Une de Ouest France le 24 octobre dernier, alors que la guerre de l'information, autrement dit la propagande fait rage. Ils méritent d'être rappelés urgemment alors qu'Israël intensifie son offensive sur Gaza, et que la petite musique sur la brutalité de celle-ci endoctrine l'opinion publique. Israël pouvait-elle rester inerte, se contenter de ne pas riposter ? Ceux qui répondent par l'affirmative sont les mêmes qui considèrent que le Hamas n'est pas une organisation terroriste.  Les mêmes qui feignent d'ignorer que le Hamas utilisent des boucliers humains, dissimulent ses tunnels sont des hôpitaux et des écoles.

Alors bien sûr, qui n'ose espérer en des ripostes ciblées (avec néanmoins des dommages collatéraux) qu'une offensive globale, dont au bout du bout, personne ne sortirait vainqueur et s'apparenterait davantage à un acte de vengeance qu'à une riposte rationnellement construite et justifiée.

Faut-il aussi rappeler, avec Bruno Tertrais qu' " Israël a toujours été un bouc-émissaire commode pour les régimes autoritaires du monde arabe et musulman qui laissent leurs populations manifester en soutien de la Palestine pour ne pas les voir se lever contre eux" ?

On peut ajouter que dans ces dictatures, les manifestations de rue, on l'a vu lors des printemps arabes, sont brutalement réprimées quand elles ne sont pas guidées des intérêts servant le pouvoir en place.  Et donc que leur spontanéité, de même que leur ampleur, restent sujettes à caution. Tout comme les chiffres balancés par le Hamas, qui sont impossibles à vérifier (la  base de l'info).

La faillite morale dans laquelle a plongé l'extrême gauche (dont Mélenchon & Co), l'hypocrisie et le cynisme crasses du RN (au vieux fond toujours antisémite) ne doivent pas faire oublier, si on veut sortir de ce jeu vil des indignations sélectives, le comportement inadmissible des colons suprémacistes en Cisjordanie qui continuent de bouter hors de leurs maisons les bédouins comme ces derniers jours. Les impératifs militaires de la colonisation a bon dos aujourd'hui, à l'exception de l'annexion du Golan.

Les colons israéliens ne sont pas les seuls responsables. Les pays arabes portent aussi une très large responsabilité dans "l'oubli" de la cause palestinienne.

Philippe RIVET