L'école, coeur de la résistance

Résister. Le verbe fait florès. Il est désormais dans toutes les bouches, sous toutes les plumes. ou presque. Résister à ce terrorisme aveugle ? Un truisme. Reste à mettre en musique cette résistance tant proclamée. Sans fausses notes. Et c'est là que le bât peut blesser.

Résister, cela suppose l'unité nationale. Très clairement, elle n'existe pas. Comme si la banalité du mal (selon Hannah Arendt), autorisait la classe politique à dissimuler chausse-trapes et calculs électoraux sous ses oripeaux, et surtout sous les ors versaillais. Toute en retenue, pour la plupart, certes, mais qui laisse craindre l'apparition de lézardes de plus en nombreuses. Notamment lors du prochain débat sur la révision de la Constitution.

Faut-il la réviser, cette Constitution, déjà mille fois couturée ? Ou est-ce seulement une tentative hollandaise - sur le point de réussir ? - de piéger la droite loin d'être irréprochable en matière de moyens dédiés à la sécurité ? Il reste à espérer que ce débat n'occultera pas toutes les dispositions déjà prises ou qui vont être prises. Sinon, il est à craindre que l'on retiendra que la République est nue. Il est à redouter aussi que les libertés publiques passent au second plan, alors qu'elles constituent en réalité notre principale arme.

Résister, c'est montrer qu'on n'a même pas peur. Qu'on explique, décrypte, analyse, à la lumière de la raison, sans effacer l'émotion. C'est le travail difficile des enseignants, à qui le ministère a donné des ressources pour les épauler, mais en même, temps les a confinés dans l'école sanctuaire en interdisant toute médiatisation de la minute de silence. Pour évite de méchantes images sur des incidents, comme en janvier ? OU au nom de la sérénité qui doit présider au continuum pédagogique ? Les deux, probablement.

Résister, c'est la mission essentielle de l'école. Qui devrait saisir l'occasion pour mettre en valeur les initiatives de ses hussards les plus engagés dans cette mission de formation des citoyens de demain. S'ouvrir encore davantage. Et en même temps redoubler de vigilance, non pas tant vis-à-vis de l'extérieur, mais en son sein, vis-à-vis des enseignants qui se situent hors du champ républicain, comme ceux qui militent au sein du collectif Racine, appendice du FN. Très minoritaires sans doute. Mais par les temps qui courent, la mobilisation n'interdit pas la lucidité.

Philippe RIVET