Et l'Etat-Providence était en train de battre en retraite ?

Les combattants montrent les muscles, quitte à hystériser le débat jusqu'à un point de non retour dans le débat sur les retraites. Ce qui s'appelle jouer avec les allumettes. Mais le principal pompier pyromane est bien le gouvernement, par le brouillard volontairement entretenu, ses contradictions, ses provocations, ses vrais-faux reculs. Erreur de stratégie : ce pouvoir si remonté contre les corps intermédiaires vient de remettre en selle les syndicats. Tous les syndicats, ceux qui sont radicalement (au moins officiellement, CGT, FSU, Sud) contre la réforme des retraites, comme ceux qui sont plus nuancés, voire pour (CFDT, Unsa). Les plus réformistes seront indispensables pour discuter, mais veilleront à ne pas jouer les idiots utiles.

Car chacun sait parfaitement que les enjeux dépassent de loin la seule question des retraites. Se joue en fait  le rôle de l'Etat dans le futur : de protecteur, certains rêvent de réduire son périmètre pour n'en faire qu'un Etat régalien. L'Etat-Providence, voilà une expression souvent employée dans le langage commun mais de plus en plus connotée péjorativement, surtout par les libertariens masqués ou affichés, comme si avec, les droits politiques, on ne pouvait aussi associer des droits sociaux. On devrait dire : sociétaux.

Pour autant que le collectif ait encore un sens. Abîmé par les gilets jaunes qui croient ou veulent croire que l'agrégation de revendications individuelles, pour ne pas dire égoïstes, constituent un intérêt général.

Ce collectif, parce qu'il est né de la Sécu voici 70 ans, serait donc bon à jeter. Ancien monde. Et que nous propose le nouveau monde, en loucedé ? Le retrait rapide de l'Etat de tout ce qui ne relève pas du régalien strict (police, justice, défense), mais auquel on pourrait ajouter tout à faire naturellement éducation et santé. J'ai cru comprendre que ce n'était pas à l'ordre du jour.

Sans le dire, c'est bien l'Etat-Providence qui est en train de battre en retraite.  Juste un indice : quand le pouvoir indique vouloir laisser le soin au futur organisme public paritaire de gérer les éventuelles mesures paramétriques, sous la contraire de la règle d'or de l'équilibre budgétaire, si ça cela ne s'appelle pas passer la patate chaude, faudra m'expliquer.

Les fonds de pension, spécialistes de la retraite par capitalisation, se frottent déjà les mains.  Et après, on ira nous faire de beaux discours sur le vivre ensemble.

Philippe RIVET