Des régionales qui changent de nature

Maintenir les élections régionales les 6 et 13 décembre a-t-il encore un sens ? La question mérite d'être posée au lendemain des attentats. Même si le Premier ministre avait martialement et très rapidement tranché qu'il fallait les conserver selon l'agenda fixé. Se faisant ainsi le porte-voix du président de la République.

Avec le recul de quelques jours, l'annonce de ce choix paraît vraiment précipité. Si l'objectif était de tenter de préserver l'unité nationale, c'est franchement raté. L'incorrigible Wauquiez avait donné le la samedi matin, même si plusieurs membres de son parti avaient pris leurs distances. Il a en tout cas récidivé mardi à l'Assemblée, en compagnie de deux autres candidats, Pécresse (que l'on connaissait plus mesurée) et Estrosi. Leur numéro indécent a donné de sérieux arguments à ceux qui pensent qu'il serait plus raisonnable de repousser les régionales au printemps. Un printemps que l'on espère radieux, allégé du risque terroriste qui pèse aujourd'hui fortement sur la France.

Car, dans ce contexte, marqué par l'Etat d'urgence, comment permettre à une campagne normale de se dérouler pleinement ? Il y a quelque chose de dérisoire par rapport à l'enjeu. Il ne s'agit pourtant pas de passer à la trappe la nouvelle démocratie territoriale censée naître de la réforme des régions.

Si un seul candidat imagine que les Français sont prêts à écouter les discours -programmes sur la formation professionnelles, les transports, les aides aux entreprises, qu'il lève tout de suite le doigt, au lieu de se le mettre dans l'oeil.

Mais l'exécutif n'a manifestement pas trouvé, si tant est qu'il le souhaite, la martingale permettant de faire partager par toutes les forces politiques, un report des élections.

Celles-ci vont donc changer de nature. Plusieurs chefs de file ne s'y sont pas trompés, publiant des communiqués pour annoncer une campagne sobre, plus sociétale qu'axée sur les compétences des futures régionales. Une campagne sur les valeurs donc. Le pugilat à l'Assemblée mardi dernier et les saillies sarkoziennes dans Le Monde ne donnent pas forcément la meilleure image de la classe politique. Un sentiment partagé à gauche, forcément, mais aussi à droite. C'est finalement 2017 qui se joue déjà.

Philippe RIVET