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Diagonales de l'actu

Gouvernement : un remaniement sans ministre pour la voie professionnelle et sans Carole Grandjean

9 Février 2024 , Rédigé par Philippe Rivet

Gouvernement : un remaniement sans ministre pour la voie professionnelle  et sans Carole Grandjean

" J'ai dit non à l'Elysée". C'est par cette surprenante affirmation, diffusée via un communiqué sur X, que l'ex-ministre  déléguée Carole Grandjean, qui était chargée de la formation et de l'enseignement professionels, explique la raison pour laquelle elle ne fait partie du nouveau casting gouvernemental.

L'explication peut sembler très courte, mais elle n'en est même pas une. Le communiqué ne dit rien des motivations. Et ouvre donc la porte à toutes les suppositions. Décision d'ordre privé ? A respecter sans autre forme d'interrogation. Anticipation sur sa non reconduction, après avoir été dûment prévenue (ou pas) comme ce fut le cas ce jeudi pour un certain nombre d'ex ? Divergences de fond sur la suite de la réforme de l'enseignement professionnel ? Choix en amont de Macron et d'Attal de supprimer le poste pour confier l'ensemble de l'éducation à une seule ministre, après avoir éjecté Oudéa-Castera, qui avait coché toutes les cases pour être virée, ou, a minima, rétrogradée et placée, on l'imagine sans mal, sous très haute surveillance.  Réputation originelle de députée disciplinée et méticuleuse, abimée par le recours abusif à ses chauffeurs à des fins privés, tant à Paris qu'à Nancy - plusieurs articles de presse l'ont étrillée à ce sujet - ou borderisée par Attal après avoir opté pour le soutien à Darmanin, en participant à sa petite sauterie controversée dans le Nord à la rentrée ?

Juste une anecdote qui n'avait pas été spécialement relevée jusqu'à présent : Carole Grandjean, en tant que ministre, s'était retrouvée de fait la supérieure hiérarchique, de l'un de anciens compétiteurs aux législatives à Nancy en 2017, à à savoir le recteur Mostafa Fourar, recteur de Toulouse, lequel avait été soutenu avec une énergie totale par un certain Laurent Hénart. Lequel se démène aujourd'hui comme un beau diable pour figurer en position éligible (donc très haut si l'on regard bien les sondages) sur la liste Renaissance. Verra-t-on l'ex ministre, qui redevient députée, et toujours conseillère municipale et communautaire, membre de l'équipe d'opposition conduite par Hénart, faire campagne pour ce dernier aux Européennes ? Je ne parierais pas un gros billet. D'autant que la guerre feutrée avec l'autre député Renaissance de Nancy, Emmanuel Lacresse, très en cour auprès de Macron, se poursuit en coulisse.

Revenons au temps long que ne supportent pas les politiques, l'éducation. Passons sur le fait qu'il soit nécessaire ou non que l'enseignement professionnel soit mieux identifié grâce à un ministère propre. Par le passé, il y eut des secrétaires d'Etat, souvent, des ministres (Mélenchon par exemple qui avait pleuré un poste près de Jospin, sans laisser d'ailleurs un souvenir impérissable de son passage), des ministres délégués, comme Carole Grandjean.

L'originalité macronienne, l'audace peut-on écrire aussi, consistait à une première plaçant tout ce qui relevait de la formation pro et de l'enseignement pro sous une double tutelle, les ministères du Travail et de l'Education. Les syndicats les plus radicaux, et ils le sont souvent dans l'enseignement pro, avaient hurlé à la mainmise du grand patronat sur la voie pro. L'idée de réfléchir à une meilleure adéquation, avec un peu de souplesse, entre les formations et le monde économique, n'était pas absurde, loin de là. Même s'il faut être prudent sur le terme adéquation : compte tenu de l'évolution des métiers, l'adéquation parfaite ne peut exister. Il faut ajouter que les représentants des patrons qui siègent dans les commissions définissant les diplômes pro ne sont pas toujours - rarement affirment les observateurs les plus sévères - les plus au fait des évolutions.  Mais l'idée était à creuser. Elle sera exploitée par un an et demi par Carole Grandjean, qui resta, malgré l'enjeu de la voie pro érigée en priorité nationale (une de plus) par Macron, plutôt méconnue du grand public, à l'ombre de Dussopt et des ministres de l'éduc successifs.

La réforme prévue pour la rentrée 2024 est-elle au milieu du gué, enterrée, revue et corrigée ? La rentrée de septembre se prépare maintenant, sans qu'on en sache plus sur le sujet. Depuis la grosse colère des agriculteurs, on a compris qu'il y avait des priorités moins prioritaires.

Pour compenser, on nous ressortira bientôt le succès de l'apprentissage, sans évoquer ni les taux de rupture, ni le fait que l'apprentissage se développe surtout dans le supérieur, et non pas en direction des populations scolaires les plus modestes qui en auraient le plus besoin. Le nouveau mantra d'Attal, les classes moyennes, laisse sur le carreau les classes plus populaires. Et laisse surtout sous le boisseau la vraie question de fond, celle de l'orientation scolaire.

Philippe RIVET

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