Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Diagonales de l'actu

Quand Castex flatte Metz et punit Nancy, pourquoi et comment le commandant Couche-tôt se prend les pieds dans le tapis

17 Janvier 2021 , Rédigé par Philippe Rivet

Quand Castex flatte Metz et punit Nancy,  pourquoi et comment le commandant Couche-tôt se prend les pieds dans le tapis

D'un coup d'un seul, le Premier ministre a balayé des années de travail de rapprochement, de coopération, menées au sein du Sillon lorrain. Ce qui pouvait paraître comme le énième machin de Rossinot, selon les plus sceptiques, s'est révélé un redoutable outil politique, permettant, à défaut de fortes créations concrètes, au moins d'aplanir les différends entre les principales villes lorraines, de reléguer au rang d'enfantillages du passé les trop célèbres querelles Nancy-Metz. Jusqu'à ce que le nouveau maire du chef-lieu mosellan ne remette cent balles (et même plus) dans la machine, pour se faire élire, et fructifier un vieux fond identitaire qui permet de détourner l'attention des vrais sujets. Jusqu'à ce qu'un Premier ministre, sans doute mieux au fait de la politique locale de Prades, dont il fut le maire dans le lointain sud, que des chicayas lorraines, ne mette les pieds dans le plat  jeudi dernier. Après d'âpres négociations, il était acquis que le commandant Couche-tôt, alias Jean Castex, allait visiter les deux métropoles lorraines, avant de repartir au plus vite préparer son briefing au cours duquel il allait maladroitement et avec une certaine indécence il faut le dire, bomber le torse.

Las. Un rectificatif de Matignon tombait en début de soirée pour passer à la trappe le programme nancéien initialement prévu d'une grosse demi-heure seulement mais néanmoins symbolique.  Si l'affaire n'était pas aussi pitoyable, on s'en péterait les côtes de rire : le risque neigeux allait l'empêcher de filer à vive allure sur l'A31, autoroute quasi-urbaine entre les deux villes. C'était ce jour-là, sans doute l'artère la plus noire de tout le Grand Est.

Voilà ce qui sentait le cafouillage à plein nez.De deux choses l'une : soit le PM fait le choix (erronné, mais un choix) de venir seulement à Metz, et il l'assumait. Soit il conciliait les deux, ce qu'il s'était résolu à faire en publiant dans l'après-midi son programme officiel, et il fallait aussi assumer, sans trouver un prétexte aussi  petit que le gamin qui demande à son maître de sortir de la classe pour aller aux toilettes.

Certes Nancy, ses élus, ses citoyens, s'en remettront. Heureusement. Mais garderont ce fiasco en mémoire. Faute d'explications sérieuses à ce revirement de dernière minute, toutes les hypothèses sont donc autorisées, certaines plus plausibles que d'autres :

- la filière LR, selon certains élus d'opposition, le maire de Metz, et son entourage ayant fait marcher leurs réseaux,  constitués de gens qui ont un pied dans l'opposition mais aussi un autre dans les couloirs du pouvoir - ne jamais insulter l'avenir - Mais pas seulement le maire de Metz. La non-visite à Nancy n'aurait pas déplu non plus du côté de la région, car  cela a évité d'offrir une visibilité à celui qui sera d'une manière ou d'une autre, un acteur lors des prochaines régionales.

- le nombre de parlementaires LREM ou MoDem en Moselle est infiniment supérieur à celui de Meurthe-et-Moselle. Les Messins manifestement plus persuasifs que les deux seuls (une LRELM et un apparenté MoDem qui s'apprête à quitter l'Assemblée) de l'agglo nancéienne.

- le  coup de gueule de la directrice du CHR de Metz au printemps lui a donné plus de visibilité ( et la légion d'honneur) alors qu'il se murmurait dans les coulisses nancéiennes que son coup de sang était largement surjoué par rapport à la situation réelle de l'établissement....

- A Nancy, l'on y a joué de manière plus policée, comme quoi la politesse masque parfois le travail réellement accompli, malgré les mauvaises relations avec l'ARS, vous savez cette forteresse tatillonne et qui personne n'ose publiquement critiquer parmi les décideurs tant elle le droit de vie et de mort sur le système sanitaire et leurs dirigeants, sans aucun contrepouvoir.

- la discrétion nancéienne n'a pas été récompensée par l'octroi de légions d'honneur, hochet certes dévalorisé de la République, mais qui récompense parfois des personnes méritantes. le CHU, selon des comptages opérés par des observateurs attentifs, aurait eté l'établissement le moins considéré.  Quand un ministre de la Santé met plus de deux mois pour réagir à un courrier du président du Grand Nancy (et de l'hôpital accessoirement), faut-il encore s'étonner du mépris ?

-  Viendrait-il à l'idée une seconde de quelqu'un de penser qu'il y aurait derrière tout ça une vieille rancoeur politique, même inconsciente, le dircab de Véran, ayant, voici une dizaine d'année, été battu aux cantonales par le nouveau maire de Nancy ? C'est plutôt le caractère explosif du dossier hospitalier qui donne des sueurs froides au ministère qui, après avoir fait virer le patron de l'ARS au printemps ( lequel rappelons le, ne faisait que dire, certes pas bien à propos, la doctrine de l'Etat sur la suppression de lits et de postes) peine à reconsidérer sa posture. Et se garder bien de donner des signes d'ouverture et de dialogue, même si les discussions ont repris. 

- Alors, faut-il in fine en déduire que le PM et les ministres qui l'accompagnaient, ont préféré une promenade en lieu sûr à Metz, que d'affronter des éléments contraires à Nancy ?  Le principe de précaution (pour rester gentil) d'un jour,  pourrait coûter cher en crédibilité à plus long terme, et accentuer la méfiance déjà profonde dans le rapport de force entre Nancy et l'Etat.

On sait d'expérience le plus habile est celui qui va discuter avec l'opposition, toutes les oppositions, pour montre son sens du dialogue, et en tirer bénéfice d'une manière ou d'une autre, en rejetant la faute sur les autres si cela ne débouche pas. Cette tactique-là n'est pas celle qui est retenue. On l'a déjà vu avec la vaccination. Après avoir flatté les antivax, paraît-il majoritaires, le gouvernement a changé de pied. Changera-t-il de pied pour dialoguer avec tous ?

Au fait, à propos d'antivax, un mien ami a trouvé gonflé que je me demande s'il était exagéré de les traiter de décérébrés. Je veux bien l'admettre, le terme est peut-être un peu fort. Mais la descente aux enfers du savant de Marseille, forcé de reconnaître l'inefficacité de la chloroquine, pourrait éventuellement les inciter à ne pas confondre science, croyance, en sautant sur le premier "spécialiste" venu qui, pour faire du buzz, joue sur un discours de rupture.

Philippe RIVET

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article