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Diagonales de l'actu

Et si la sélection à l'université était un faux débat ?

19 Février 2016 , Rédigé par Philippe Rivet Publié dans #Politique et éducation

Et si la sélection à l'université était un faux débat ?

Trente ans après la réforme avortée d'Alain Devaquet (torpillé par les siens), la question de la sélection à l'université refait surface. Comme si l'on se délectait de réveiller des polémiques quasi-vintage (cf. les rectifications orthographiques), à défaut de parler de l'essentiel.

Sur la sélection,il y a certes une accroche d'actualité : la décision du Conseil d'Etat de déclarer illégale la sélection pratiquée par nombre d'université en master, sauf à ce que le ministère publie une liste des formations concernées.

La polémique s'est déclenchée dès cette annonce. Elle a pris de l'ampleur cette semaine avec le communiqué des présidents d'université favorables à la sélection, tandis que la ministre de l'Education nationale la déclarait " rétrograde" lors d'un débat à l'Assemblée nationale.

Une polémique de plus. Une. Or, le débat est ailleurs. Il suffit de soulever le voile de l'hypocrisie pour vérifier que le post-bac est depuis belle lurette partagé entre voie sélective (prépas, BTS, IUT, licence bi-quelque chose, Paces !) et voie non sélective. Et on ne manque pas de focaliser, à juste titre, sur le taux d'échec énorme (un étudiant sur deux) en première année. Mais en oubliant que l'échec existe aussi en filière sélective, que ce soit en BTS ou en IUT, avec des étudiants qui se retrouvent au bord du chemin, sans qu'une passerelle leur permette de se raccrocher aux branches. Et en oubliant - surtout - que des parcours riches et féconds peuvent être menés dans des filières non sélectives.

L'afflux nouveau d'étudiants face auxquelles les universités estiment ne pas avoir les moyens d'offrir un accueil correct pousse certains présidents à prendre ce prétexte pour afficher une sélectivité gage, paraît-il, de l'excellence qui est exigée grâce à un enseignement de qualité (Mais leur établissements sont-ils tous irréprochables et talentueux ?). Des présidents qui se moquent ainsi comme d'une guigne la volonté d'accroître le niveau des qualifications. Laissant le soin à des universités très vite affublées du vocable de " poubelles", d'accueillir ce que les autres ne veulent pas. Quand ce n'est pas le tirage au sort qui est pratiqué !

Hypocrisie d'un cynisme absolu. Que tout le monde ne puisse accéder à toutes les formations post-bac (un bac pro en droit est condamné à l'échec), se conçoit. Que les IUT renâclent à revenir à leur vocation initiale (accueillir d'abord les candidats bacheliers au profil ayant besoin d'un encadrement plus fort), se conçoit moins. Que les BTS hésitent à recruter des bacs pro, se discute davantage, dans la mesure où on est loin d'être sorti de l'ambivalence de ce bac (insertion, et aujourd'hui possibilité de poursuites d'études).

Ce qui revient à l'essentiel : à savoir que c'est bien une question d'orientation, à traiter de manière plus approfondie dès le collège, et à améliorer largement au lycée. Cela devrait être une priorité du secondaire, associant non seulement les COP, mais les profs, les parents, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui.

Mais qui ose, parmi les décideurs, prendre véritablement ce dossier à bras-le-corps ? S'interroger sur l'orientation, c'est s'interroger sur la mission assignée à l'école : machine à sélectionner (et donc à reproduire les inégalités sociales) ou institution de la République destinée à l'épanouissement et la formation du plus grand nombre, sachant qu'un principe s'impose si l'on veut raisonner sainement : tous les enfants ont des capacité différentes, mais ils sont tous capables.

Brandir la sélection comme un totem n'est pas la meilleure manière de leur faire entrevoir l'avenir.

Philippe RIVET

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