La vraie révolution de l’école

Que pense la majorité silencieuse des profs ?

La grève n’est pas le plus sûr chemin du dialogue. Mais en France, c’est bien connu, on fait déjà grève avant de chercher les voies de la discussion. Marqués sans doute par les épopées napoléoniennes, on considère que la meilleure défense, c’est déjà l’attaque. Mordre d’abord. Ou quand les postures rejoignent parfois les impostures.
Et il faut bien le dire, bruits et fureur qui ont caractérisé le « débat » autour de la réforme du collège ont surtout eu pour effet d’ajouter à la confusion. Entre erreurs de communication des tenants de la réforme du collège et des programmes et invectives médiocres, assertions teintées de mauvaise foi des opposants, le projet de réforme a surtout ressuscité de vieilles lunes sur le mode c’était mieux hier, quitte à prendre des libertés avec l’Histoire, révélant ainsi les conservatismes cachés jusqu’alors sous un voile d’hypocrisie.
Les masques sont tombés. Le point Godwin atteint. Et méritera donc de figurer dans les futurs programmes d’instruction civique pour expliquer aux collégiens ce qu’il ne faut surtout pas dire et faire pour préserver la qualité de vie citoyenne.
Affirmer par exemple que les syndicats qui appellent à la grève représentent 80% des enseignants, et que, par conséquent, l ‘immense majorité des profs est contre la réforme, voilà une distorsion de la réalité débusquée par une dépêche Afp qui rappelle utilement que les 8O% en question sont issus de 40% de votants.
Que pensent les 60% d’enseignants qui ne se sont pas exprimés aux élections professionnelles de décembre dernier ? Nul ne le sait. La majorité silencieuse n’en pense pas moins. Prétendre parler en son nom est pour le moins osé.
Car sur le terrain, les opposants à la réforme le savent bien : leurs collègues, y compris syndiqués, travaillent en équipe, coopèrent entre disciplines. Insuffisamment, sans doute. Mais sont souvent prêts à faire plus et mieux. La vraie révolution de l’école est silencieuse.
Tant qu’on fera croire, à l’aide de tambours médiatiques, que donner plus de chances aux plus fragiles pénalise les meilleurs, l’opinion publique manipulée continuera de penser que l’égalité, c’est évidemment formidable, mais chez les autres. Ce n’est pas l’aspect le moins détestable du débat qui agite la France depuis quelques semaines. Le pays des droits de l’homme qu’ils disaient. Comme si le premier droit était celui de l’éducation. Non mais…
Mais pour ce que j’en dis.

Philippe RIVET