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Diagonales de l'actu

Abaya, uniforme, histoire, sport, autorité, fondamentaux : et si on arrêtait les " boniments" de rentrée ?

5 Septembre 2023 , Rédigé par Philippe Rivet

Abaya, uniforme, histoire, sport, autorité, fondamentaux : et si on arrêtait les " boniments" de rentrée ?

Abaya,  uniforme, enseignement de l'histoire, autorité, formation, fondamentaux, vous saturez ? Vous n'avez pas totalement tort.  Car il est vrai que " chaque jour apporte son lot de boniments concernant, pêle-mêle, la formation et l’autorité des maîtres, le niveau des élèves, leur tenue vestimentaire et, entre eux, l’égalité des chances de réussite".  Ce constat difficilement contestable est dressé par Jean-François Chanet dans " La revue du mouvement social" le 30 août dernier.  Historien de l'éducation, professeur à Science Po, l'auteur a été pendant six ans recteur (apprécié pour son travail de fond) à Besançon. Quand il parle de " l'école du peuple" dans un autre écrit, il ne faut pas y voir la moindre trace de populisme, mais le rappel que l'école est un bien commun. Ses propos éclairent le débat avec de la hauteur et du recul : "Étrange pays que le nôtre où l’on demande à l’école, où l’on attend d’elle plus que dans aucun autre pays sans doute, mais où son histoire est très mal connue. C’est ce qui permet à la communication politique de faire à l’école une place à la mesure de la crainte du déclin dont elle serait, pour beaucoup de Français, le plus sûr témoin, tout en alimentant à son propos tout un répertoire de mythes, de fantasmes, d’idées reçues qui, pour avoir l’efficace attendue, supposent la crédulité, l’ignorance de ce qu’ont été dans le passé son organisation, ses programmes et ses résultats.".

Ces propos n'ont pas fait la Une, ni du Monde, ni d'une télé, ni d'une radio (France Culture allo ? ) . Ce qui a pu pousser d'aucuns à considérer que le débat autour de l'abaya pouvait s'apparenter à un écran de fumée. Un peu vite cependant : comment ne pas saluer une décision claire - c'est si rare - de la part d'un ministre concernant une tenue vestimentaire dont le caractère religieux, ou l'instrumentalisation à des fins religieuses ne fait pas de doute, sauf pour les tenants d'une idéologie courtisant les électeurs islamistes, je veux parler de  LFI, dont le clone de Mélenchon, Bompard, va jusqu'à jeter à la rivière la laïcité laissant le soin aux religions de décider ce qui est religieux ou pas. Après que le CFCM s'est lui-même pris les pieds dans le tapis de prière. Malgré un sondage qui indique que 58 % des électeurs LFI approuvent l'interdiction de l'abaya. Moins de 300 cas ? 500 établissemements concernés ? L'argument arithmétique de ceux qui contestent la décision ne tient pas : il est préférable de trancher avant que le phénomène ne gagne des milliers d'établissements, non ? On relèvera l'heureux exercice de transparence du recteur de Nancy-Metz qui a confié à la presse que 188 cas d'atteinte à la la laïcité avaient été répertoriés dans l'académie. Tout en précisant que " tout ne remontait pas"...

Ne soyons pas naïf. La décision ministérielle revêt un caractère politique. Est-ce scandaleux ? Certainement pas. Pour peu qu'elle ne serve d'étendard au long cours pour bénéficier de l'appui des citoyens et éviter de se pencher sur les questions de fond qui ne manquent pas.

Deux observations : le buzz autour de l'abaya est davantage le fruit des opposants à l'interdiction ; lier sans le dire tout en le disant le projet d'uniforme à l'école - en rappelant l'assassinat de Samuel Paty comme l'a fait très maladroitement Emmanuel Macron - est une erreur,  donnant corps au soupçon d'instrumentalisation manquant, j'ose, singulièrement d'étoffe.

Quand je vois brandi " le retour de l'uniforme", y compris dans certains journaux, il y a de quoi fulminer. Ou faire d'utiles piqûres de rappel. Comme Bayrou, que l'on n'attendait pas forcément de cette manière : l'uniforme à l'école n' a jamais existé. Point barre.

Transmis à Brigitte Macron, partisane du port de l'uniforme, qui avait d'ailleurs mis en posture délicate le précédent ministre de l'Education, qui n'y était pas favorable.

On l'a compris depuis quelques mois. On en a aujourd'hui l'illustration : l'éducation est un sujet régalien. On pourrait s'en réjouir si le Président ne ressassait pas quelques " boniments" : l'enseignement de l'histoire est déjà chronologique contrairement à ce qu'il affirme ; l'insistance sur les fondamentaux revient à enfoncer les portes ouvertes l'école française étant celle qui y consacre déjà le plus de temps, et largement l'autorité ? Elle dépend de chaque enseignant, et aussi de l'institution qui peine parfois à soutenir les siens au profit de parents de plus en plus exigeants et envahissants : voilà qui mérite davantage une réflexion de fond que des moulinets de rentrée.

Au-delà de l'abaya, la question porte sur les contestations d'enseignements. Avec des profs qui finissent par s'autocensurer. Avec des profs aussi pas insensibles à l'idéologie de LFI (28 % ont voté Mélenchon en 2022).  On notera au passage qu'en dehors de Sud Education et d'une partie de la CGT Education, selon un pointage de L'Opinion, les autres syndicats ne se sont pas opposés, et ont même parfois approuvé (notamment les chefs d'établissement), la décision de Gabriel Attal.

La laïcité " n'est pas neutralité",  laïcité et religion sont parfois des concepts-écrans " riches en équivoques", note Jean-François Chanet pour la Fondation Jean-Jaurès. La laïcité qui doit conduire à " une pensée libre de toute entrave", dans une école qui émancipe, forme les citoyens de demain  : restent à ne pas oublier les conditions de réalisation de cet objectif (nombre d'élèves par classe, orientation, formation des enseignants, liberté pédagogique soutien de l'institution, ambiance dans les salles de profs....). 

Demanderait-on trop à l'école ? La question reste ouverte. Mais on a plus que jamais besoin d'elle.

 

Philippe RIVET

 

 

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