Les nouveaux sauvageons de Sarkozy

Dire ce que les gens ont envie d'entendre : Sarkozy excelle. Mais se trompe. D'abord parce que " les gens" n'ont pas TOUS envie d'entendre ce qu'il martèle à l'envi. Ensuite parce que répétition n'est pas mère de vérité(s).

Affirmer tout de go que cela ferait le plus grand bien à ceux que l'on appelle les décrocheurs d'aller voir du côté du service militaire de nouveau rendu obligatoire, c'est emprunter un raccourci plutôt osé, par ce qu'il charrie de subliminal, juste de suggéré, menton offensif, l'oeil noir. C'est stigmatiser une population beaucoup plus diverse qu'on ne l'imagine. Les ranger dans la catégorie branleurs qui auraient tous besoin d'un grand coup de pied aux fesses, c'est aller très vite, trop vite en besogne.

Juste un petit rappel : le décrochage ne s'explique pas par le non travail de l'élève. Ne pas confondre causes et effets. Soigner les symptômes à la schlague (car c'est quand même le fond du discours réitéré depuis le printemps) ne soigne pas la maladie.

C'est méconnaître que les enfants ne sont pas tous logés à la même enseigne dès la maternelle, en terme par exemple de capital linguistique, d'ouverture culturelle, d'accompagnement familial. L'école met en oeuvre depuis des années un repérage des plus fragiles (déjà sous la droite, Sarkozy peut se renseigner auprès de Chatel, amplifié sous la gauche). Cela ne marche pas à tous les coups. La panacée ? Elle reste à trouver. Mais certainement pas en marchant au pas.

L'encasernement, du temps du service obligatoire, a depuis longtemps perdu ses vertus de socialisation, si tant est qu'il a pu en avoir vraiment pour la majorité de ses conscrits. Encore, pour en parler savamment, faut-il ne pas avoir jonglé pour y échapper, même à l'insu de son plein gré, comme le Canard Enchaîné vient de le révéler pour Ciotti.

Non, les décrocheurs ne sont pas tous des sauvageons, pour reprendre l'expression, qui a certes fait mouche, mais trop rapide, de Chevènement. Et oui, il existe depuis 2005, ce que semble ignorer Sarkozy, des centres pilotés par le ministère de la Défense, qui accueille des jeunes en échec scolaire, les Epide (Etablissements pour l'insertion dans l'emploi).

La lutte contre le décrochage est un travail de longue haleine, qui dépasse les contingences du calendrier politique. Et qui interdit donc toute formule magique lancée depuis une estrade.

Mais est-ce peut-être trop demander ?

Philippe RIVET