Civitas : vade retro satanas

La République est vraiment très bonne fille. Trop, disons-le franchement : accorder un agrément à Civitas, bras séculier des lefebvristes (les salafistes des cathos en quelque sorte), pour qu'il puisse devenir un parti politique, voilà qui interpelle sur la veille démocratique du ministère de l'Intérieur. Faire ainsi entrer le loup dans la bergerie, alors qu'elle pullule déjà d'officine mal famés et qui ne veulent que sa perte, c'est peut-être faire le calcul cynique que cela pourrait contribuer à semer la division à l'extrême-droite. Si c'est le cas, le raisonnement est un peu court.

Accepter Civitas comme parti politique, c'est accepter que la religion s'immisce dans la vie publique en s'imposant comme LA référence. Ce qui revient à insulter les millions d'incroyants, mais aussi de croyants qui admettent volontiers que la foi relève de la vie privée, intime. C'est accepter que des maurrassiens, des néopétainistes, viennent salir ce que les démocrates ont déjà bien du mal à conserver dans un état minimal de fonctionnement. C'est accepter à sa table des gens qui professent ouvertement le sectarisme, pire, les discriminations, entre autres l'homophobie, bref la haine de l'autre, au nom d'un dieu instrumentalisé à souhait.

C'est accepter que ces "paroissiens" plus que douteux bénéficient d'avantages fiscaux payés par l'ensemble des contribuables. C'est carrément prendre les enfants du bon dieu (s'il existe vraiment) pour des canards sauvages.

On aurait pu s'attendre à une levée de boucliers de députés présumés républicains et soucieux de défendre les règles de la démocratie. Pour l'heure, on notera la seule montée au créneau, non sans courage, du député Falorni, qui est intervenu cet après-midi solennellement à l'Assemblée. On n'ose penser que la réserve (prudente ou hypocrite sous prétexte sans doute de ne pas faire de pub à ce groupuscule qui s'en charge très bien lui-même) des autres parlementaires n'est pas dictée par des considérations électoralistes. Non, pas ça !

A moins d'ouvrir un boulevard à Tariq Ramadan et ses épigones. Et à toutes les sectes et ennemies de la liberté de conscience. Qui reste tout de même une belle conquête démocratique. Voire la plus belle.

Philippe RIVET