Drôle de climat entre état d'urgence et urgence d'Etat

L'état d'urgence ne fait plaisir à personne. Mais, en dehors des sept députés qui n'ont pas su ou pas voulu prendre leurs responsabilités d'élus de la Nation, tous les autres ont voté, en conscience et lucidité, en faveur de la prolongation de l'état d'urgence pour une période de trois mois. Ce qui conduit à restreindre certaines libertés publiques, mais dans un cadre juridique défini. Et pour un motif bien précis.

Or, l'interdiction de manifester a été sciemment bravée hier après-midi à Paris par des casseurs écervelés et radicaux et qui sont en réalité les alliés, pas seulement objectifs, mais carrément engagés, de tous les tenants du sécuritaire. S'ils n'ont pas (encore) de sang sur les mains, ils partagent au moins avec les terroristes le sens de la manipulation propre à fragiliser la démocratie si chèrement conquise et aujourd'hui menacée pour ce qu'elle représente.

L'interdiction de manifester n'empêche pas la liberté d'expression (la preuve), même si quelques députés liberticides avaient tenté leur chance en amendant la loi sur l'état d'urgence. Les casseurs de Paris, outre leur indécence deux semaines après les attentats, n'ont qu'un but : pousser l'Etat à la faute. Or, on n'a jamais eu autant besoin d'un Etat qui protège, notamment vis-vis du tout sécuritaire. Le ministre de l'Intérieur ne vient-il pas de rappeler à l'ordre des préfets un peu trop zélés ?

Ce qui n'empêche qu'il faut surveiller aussi ce même ministre comme le lait sur le feu : n'a-t-il pas évoqué la semaine dernière une possible prolongation de l'état d'urgence alors que la période de trois mois vient à peine de commencer ? Faut-il y voir le premier dérapage verbal d'un Bernard Cazeneuve jusque là particulièrement exemplaire et qui sait pertinemment que que l'efficacité passe par un travail de fond, discret, partagé avec les autres pays de la planète, à commencer par les Belges, qui viennent de nous servir une forte mauvaise histoire ?

Drôle de climat en vérité. La COP 21, si elle veut réussir, devra prendre en compte tous les paramètres, y compris ceux de la sécurité dans toutes ses dimensions.

Entre état d'urgence et urgence d'Etat, on vit sur un volcan alors que des apprentis sorciers n'attendent que l'occasion pour lancer une allumette et le faire exploser. Les violences dominicales de Paris nous rappellent que la vigilance doit s'exercer à 360 degrés.

Philippe RIVET