La tragédie de l'amnésie

La question n'est pas de savoir ce que va devenir la Grèce, mais ce que risque de devenir l'Europe, et donc la Grèce. Car l'Europe, largement par sa faute, est en lambeaux, à des années lumière de l'ambition de ses pères fondateurs. A des années lumière des peuples qui la composent. Le fossé qui sépare Bruxelles des citoyens ne cesse de se creuser chaque jour. Non que le peuple doit décider en direct, ait raison sur tout. La voie référendaire est plus souvent plébiscitaire que populaire. Le référendum grec n'échappe pas à cette critique. Même s'il ne faut pas sous-estimer sa portée, au-delà des frontières helléniques : oser dire non à la Commission de Bruxelles, oser dire non à Mme Merkel, oser dire non au FMI, à la BCE, voilà qui a incontestablement du panache, rassure sur le réflexe démocratique.

Mais en rester là serait simpliste, surtout aux portes de l'inconnu. Tous les scénarii peuvent être échaufaudés. Mais qui pourrait décemment comprendre que l'UE laisse tomber la Grèce ? Qui pourrait comprendre que la Grèce ne s'engage pas réellement la voie de réformes fiscales et autres ?

Mais qui est vraiment en mesure de donner des leçons aux responsables grecs ? Pas la BCE dont la mission est de veiller à la stabilité et la solidité de l'euro, mais dont le patron travaillait chez Goldmann Sachs, banque qui a aidé les précédents gouvernants grecs à maquiller les comptes

A qui fera-t-on croire qu'aucun responsable européen n'était au courant des traficotages ? A qui fera-t-on croire qu'aucun des prescripteurs de la potion d'austérité depuis 5 ans n'a jamais eu de doute sur les effets secondaires du prétendu remède ?

C'est tout simplement la tragédie de l'amnésie qui se joue. Quand on entend DSK réclamer, avec pertinence, une restructuration de la dette grecque, on se pince. N'aurait-il pas été l'un des administrateurs de la potion amère ?

Philippe RIVET