L'affaire Médine l'honneur perdu d'une partie de la gauche

On reproche parfois aux journalistes des formules toutes faîtes, balayant d'un revers de manche des postures, des points de vue, des erreurs des politiques. Mais cette fois, ces politiques dépassent très largement en énergie alimentée à la mauvaise foi et en enthousiasme faisandé les journalistes tentés par des facilités d'écriture. Les champions du jour : les écologistes d'EELV,  qui se sont mis tout seuls dans de de sales draps en persistant à inviter le rappeur Médine.  Le marketing cyniquement électoral qui les a poussés à faire ce choix pourrait leur coûter cher aux Européennes. Ce même marketing confirme l'antisémitisme insidieux qui instille l'univers radical de LFI (comme un sondage récent le montre, rappelait dans l'Est ce matin le patron de l'IFOP), et interpelle aussi le choix du PCF d'inviter le rappeur à la fête de l'Huma. La gauche de la gauche se vautrait déjà dans l'outrance mais Roussel donnait l'impression, l'impression seulement, de prendre quelques distances avec les fureurs mélenchoniennes et consorts.

Pour en revenir aux Verts, quelle mouche, si ce n'est celle d'élargir leur cercle sans vergogne, a bien pu les piquer ? Leurs tentatives de justification sont encore plus lamentables que leurs motivations originelles.  Les écolos ne manquent pas de culot : L'affaire Médine ? " Montée en épingle" ne craint pas d'affirmer dans les quotidiens lorrains Eliane Romani, chef de file écolo à la Région.

Eh bien non, Madame Romani, vous avez tort et vous le savez. Pensez-vous réellement que le tweet de Médine n'était pas antisémite ? Ignoriez-vous la proximité de ce rappeur avec Dieudonné (avec lequel il s'est livre à une quenelle, rappelant le salut nazi), avec Ramadan, deux références en matière de laïcité,  de citoyenneté, de respect de tous les humains, évidemment...Un tweet n'est pas un point de détail, quand il succède à une série de prises de position qui sentent le soufre.

Et ce n'est pas la résispiscence aussi récente qu'opportuniste du rappeur qui fera oublié sa succession " d'erreurs", comme il dit. Des erreurs successives qu'il a toujours reconnues, afffirme-t-il. Facile... Certains beaux (?) esprits ne doutent pas de sa sincérité quand il affirme aujourd'hui vouloir lutter contre le racisme. Sauf que le même persiste en déclarant que si son tweet avait été réellement antisémite, il aurait fait l'objet de poursuites.

 Sur le fond, le ton du tweet ne laisse aucune doute et rappelle les jeux de mots crapoteux du père Le Pen. Mais faut-il lui offrir une tribune judiciaire pour accroître sa notoriété, pour l'instant plutôt faible, en dehors du cercle des fans de rap ? Les écolos lui ont déjà offert une belle fenêtre, dont certains aimeraient bien fermer les battants.

Voilà où mène le marketing politique qui privilégie la com', l'affichage,  en entretenant la confusion entre le supposé talent artistique de l'invité (que je ne me permettrai pas de juger ici ne le connaissant pas jusqu'à ces derniers jours) et son présumé engagement de citoyen.

Il n'y a guère que les Insoumis à ne pas changer d'avis. La députée Clémence Guetté n'hésite pas à affirmer que " nous ne pensons pas que Médine soit antisémite". Du moins que LFI le pense, la réalité n'a qu'à bien se tenir et rentrer dans le cadre de la grille idéologie aux mailles serrées du mélenchonisme.

Les Verts auraient-ils un problème avec les valeurs de la République ? Anne Hidalgo s'était interrogée sur leur attitude vis-à-vis de la laïcité. Visiblement, l'ambiguïté subsiste. Plutôt que de hurler au loup, les élus écolos (dont certains ont lucidement renoncé à participer aux journées d'EELV), auraient tout intérêt à clarifier leurs convictions. S'ils en ont encore, et s'ils le peuvent. Faut-il espérer la même chose des Insoumis et du PC ????

Alors que le réchauffement électoral de l'extrême droite tend en Europe à suivre la même courbe que le réchauffement climatique, les acteurs politiques républicains, ou qui prétendent entre l'être, sont-ils encore prêts et capables de jouer leur rôle, leur vrai rôle, pas celui de bateleurs et d'agents électoraux sans conscience ?

Philippe RIVET