Confinement Jour 31

Confinement Jour 31. J'ose à peine le croire. Quand on ressent une lassitude, elle est aussitôt chassée par une autre pensée, celle de n'avoir pas vu les quatre dernières semaines défiler. Dont trois semaines de télétravail (bien au-delà des 35 h, message personnel à mon patron), et une semaine de relâche pour récupérer. Ou tenter de. N'y voyez aucune plainte ni complainte. Juste un constat. Car il y a beaucoup plus à plaindre.  Envisager le confinement, sans précipitation, occupe l'esprit. Se projeter, voilà bien l'essentiel. Pouvoir peser - même virtuellement - sur le temps. Tout en s'efforçant de supporter le présent, de le vivre du mieux possible.

Suspension. Le temps serait-il vraiment suspendu ? Curieuse, cette impression d'apprendre moins de nouvelles aux infos du JT de 13 h,- hormis la mort de Christophe - alimenté pourtant par des reportages dans des fabriques de masques improvisées, des témoignages de commerçants angoissés au bord de la faillite. On tourne un peu en rond. Comme si la prochaine étape d'actu ne survenait qu'à la fin du mois, quand l'exécutif annoncera ses mesures pour accompagner le déconfinement progressif.

Ignorance. La polémique sur le retour à l'école continue son petit bonhomme de chemin. Sans grand intérêt, chacun reste campé sur ses positions. Au lieu de faire assaut de proposition, les anti-retour s'arcboutent à quelques illusoires certitudes ou refusent d'affronter le réel. Mais passons. Il me revient à l'esprit cette citation prêtée à Abraham Lincoln ou Robert Orben : si vous trouvez que l'éducation coûte trop cher, essayez donc l'ignorance.

Le retour. A l'école, à partir du 11 mai et progressivement. Si on imaginait des classes moins chargées, des locaux mieux entretenus, des cantines plus fréquentables (en qualité notamment, grâce aux circuits courts) ? Si on imaginait des cours de sciences plus attractifs (merci à la Main à la Pâte) pour mieux former sur ces questions essentielles, qui auraient évité toutes les fadaises de ces temps-ci ?

Raoult. S'il y a un expert, réel ou supposé, que je ne supporte plus,  c'est le fameux professeur Raoult. Qui, pour reprendre l'expression d'un internaute, vit la science comme un spectacle. Le même qui affirmait il y a peu que le Covid n'était qu'une grippette récidive en affirmant que le virus a quasiment disparu de Marseille. Il semblait que le corps médical devait au  contraire faire preuve de prudence? Mais j'ai peut-être mal lu le serment d'Hippocrate.

Lobbys. Difficile de trouver un chercheur qui n 'a pas de lien d'intérêt avec une industrie ou un gros labo, me disent souvent mes copains chercheurs. Forcément, il faut penser aux débouchés de la science fondamentale vers la science appliquée et vers le produit. Encore faut-il éviter de dissimuler ces liens, il y a un site pour le dire (transparence Santé). L'excellent site The Conversation l'exige de ses contributeurs. Pour Raoult, on l'a bien compris : Sanofi finance son IHU, c'est Estrosi qui avait déjà vendu la mèche en annonçant qu'il avait déjà contacté Sanofi pour fabriquer la chloroquine pour tous.  Faut-il aussi rappeler que le pétitionnaire débridé Douste-Blazy siège au CA de l'IHU de Raoult ? La boucle est bouclée, non ?

Solidarité ? Les candidats aux municipales rivalisent d'initiatives solidaires pour se faire bien voir des électeurs. Ligne directe pour les habitants en difficulté psychologique, dépistage massif dans les Ehpad, repas livrés à domicile pour les enfants de familles modestes, campagne médiatique pour annoncer des distributions de masques pour tous...Je suffoque : cette course à l'échalote m'indispose. J'ai comme le sentiment qu'on est train de glisser du soutien social (restos du coeur, banque alimentaire par exemple) à saluer vers l'assistanat, qui n'est pas la meilleure manière de remettre en selle les plus éprouvés ni de les respecter.

La citation du jour : " Il y a des déroutes d'idées comme il y a des déroutes d'armées". Victor Hugo. Cité par Etienne Klein dans " Le monde des quantas".

A demain. Peut-être.

Philippe RIVET