Quand Hollande dénonce " les marchands de peur "

La petite phrase. Mais pas comme les autres. La petite phrase avec du fond. C'est si rare. La petite phrase, donc, qui n'a pourtant pas fait le buzz, justement parce que ce n'était pas la petite phrase qui nourrit la polémique instantanée, celle qu'adorent tous les toréadors de l'immédiateté, prompts à soulever les foules en " disant ce que les gens pensent" (note du claviste : ben voyons). La petite phrase, que l'on ne peut se résumer à un plaidoyer pro domo sans risquer la caricature, pire, le contresens.

La petite phrase, la voici, prononcée par François Hollande lors de son discours au conseil départemental de Meurthe-et-Moselle : " Les marchands de peur qui prônent la régression les jours pairs et le repli les jours impairs, qui cherchent dans le passé une consolation, vivent le présent comme une déploration, et regardent l'avenir comme une démolition".

La petite phrase que d'aucuns ont peut-être jugée excessivement lyrique, posée là comme décoration rhétorique rococo, cette petite phrase m'est pourtant revenue à l'esprit vendredi soir en regardant Ce soir ou Jamais (CSOJ), émission à ne surtout pas confondre avec On n'est pas couché (ONPC), pour ne pas dire davantage sur ce qui différencie les deux rendez-vous.

Quand Thomas Guénolé, le politologue qui sort du discours trop souvent contrit de ses pairs, a lancé que " la question identitaire était un piège à cons pour les pauvres", il avait parfaitement résumé la situation. Son raccourci plus direct que le discours présidentiel lui faisait pourtant écho et le prolongeait utilement tant il est vrai qu'on attend des responsables politiques, des spécialistes invités à la télé qu'ils jouent le rôle qui devrait être le leur en démocratie, en République. Celui d'avoir le courage de résister au populisme poisseux et mortifère en proposant une grille de lecture respectueuse des uns et des autres, et surtout qui rende intelligible la réalité vraie, pas celles fantasmée par les médiocratiques boutefeux.

Peut-être que la promesse d'égalité, qui fonde le pacte républicain, mériterait un juste retour au coeur du débat politique. Il y a parfois des petites phrases qui peuvent élever le débat.

Philippe RIVET