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Diagonales de l'actu

Collège, l'éternel maillon faible ou l'homme malade ?

27 Septembre 2022 , Rédigé par Philippe Rivet

Collège, l'éternel maillon faible ou l'homme malade ?

Le collège est-il l'éternel maillon faible, au point d'en devenir un épouvantable marronnier journalistique, syndical et politique, ou bien est-il "l'homme malade", selon la formule employée tout récemment par Pap Ndiaye ? Le ministre avance pour l'instant sur la pointe des pieds . Quand soigner le collège ? Comment ? Questions pour l'instant sans réponse. Peuvent-elles le rester encore longtemps ? La réponse est non, tant d'allers et retours, de tentatives de réformes avortées, de réformettes, de blocages corporatistes, politiques et technocratiques depuis cinquante ans ont échoué pour donner ses véritables lettres de noblesse à l'établissement qui doit assumer la mission la plus délicate du parcours scolaire, en accueillant des adolescents, âge le plus difficile.

Ballotté entre le primaire et le lycée, son identité peine à émerger tant son instabilité conceptuelle n'a jamais cessé. Comme si le collège dit unique ou Haby n'avait jamais été admis par la droite, négligé par la gauche, car trop sensible à faire évoluer. D'ailleur sa-t-il vraiment été "unique" un seul jour ? 

Et quand des ministres ont tenté de le réformer, cela leur a coûté cher. Demandez à Xavier Darcos, ou à Najat Vallaud-Belkacem par exemple. Le premier a essuyé un oukase venant de l'Elysée, Sarkozy trouvant le projet trop risqué politiquement. La seconde a bien tenté de poursuivre la "refondation de l'école" en réformant le collège en 2015. Poussée par son entourage à des changements forts, perçus comme trop radicaux et surtout trop brutaux par les syndicats, en particulier le SNES qui n'a pas fait de cadeau à la dernière ministre de gauche.

Crise de lèse-majesté : elle avait osé toucher à la sacro-sainte identité disciplinaire en promouvant les EPI, enseignements pratiques interdisciplinaires, elle avait osé inciter au travail collectif afin de redonner un dynamisme qui manquait dans de nombreux établissements, elle avait osé fixer comme impératif la mixité sociale, pouah, quelle horreur, à droite, depuis longtemps, et au sein de la gauche, dont le décalage entre le discours et les actes, une certaine rigidité dogmatique aussi, contribuèrent à sa chute. Alors que toutes les études convergent pour affirmer que l'hétérogénéité sociale ne pénalise pas les meilleurs et dope les moins vaillants. A condition aussi de ne pas laisser les collèges se ghettoïser, par lâcheté.

Jean-Michel Blanquer, qui eut d'autres mérites par ailleurs, a cependant eu le tort de considérer que 2017 était l'année zéro du renouveau macroniste, balayant l'histoire qui, pourtant, ne s'efface jamais. Il n'enterre pas officiellement la réforme, mais laisse le choix aux équipes pédagogiques, qui se sont engouffrées avec entrain cette fois dans l'opportunité d'enterrer une innovation qui bousculait leurs petites habitudes.

Au grand dam des établissements qui avaient accepté de jouer le jeu.  A se demander si l'éducation nationale est vraiment réformable.  L'aide au devoir, instituée par Blanquer, peina et peine encore à se généraliser. Pourtant, ce soutien, qui a avait naguère supprimé par la gauche pour des raisons bassement financières, est apprécié et utile.

Tout  comme semble passer doucement à la trappe l'initiative " silence on lit", ou alors se banalise dangereusement en perdant son esprit,  un quart d'heure de lecture pour la totalité de l'établissement devenu une vraie respiration qui permet d'apaiser le climat scolaire et renforce la concentration des élèves.

Une façon aussi de revenir clairement aux fondamentaux, plutôt que de valoriser les options ou autres initiatives secondaires, tant le niveau scolaire est devenu problématique chez certains élèves, l'écart entre les meilleurs et les plus en difficulté s'aggravant d'année en année. Le moment de rappeler les déterminismes sociaux qui minent les parcours dans l'école française.

Ce qui n'empêche nullement les collèges de poursuivre une pratique interdite, celle des classes de niveau, qui accentuent la ségrégation si préjudiciable aux plus défavorisés.  Mais c'est tellement confortable pour les emplois du temps et pour se mettre dans la poche une partie des enseignants, les contractuels se retrouvant souvent avec les classes les plus difficiles.  Ne généralisons pas, mais la réalité est bien encore trop souvent celle-ci.

Comment dans ces conditions réformer l'orientation,  comment corriger les préjugés sur les métiers ?  Il y a du pain sur la planche.  Car comment faire miroiter à des élèves jugées trop faibles pour une seconde générale (ou les redoublements augmentent) la voie professionnelle,  quand on sait bien que certaines filières tertiaires ne sont que de voies de garage, que certaines voies industrielles, en dépit des débouchés peinent à recruter, en cause notamment l'ambiguïté persistante du bac pro, diplôme d'insertion, mais de plus en plus rarement ou alors pour des tâches d'exécution mal rémunérées, ou de poursuite d'études en BTS mais non sans difficulté, notamment dans les fameuses matières générales.

Pap Ndiaye a raison de parler de "l'homme malade". Il n'a pas le droit d'échouer pour le remettre sur pied. Il y a urgence sociétale. Tous les acteurs sont-ils prêts à se retrousser les  manches ?

Philippe RIVET

 

 

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